samedi 29 décembre 2007

REGULARISATION DES TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS:

Comme il l'avait annoncé après l'adoption de l'amendement Lefèbvre à la loi Hortefeux, ouvrant la possibilité d'une régularisation par le travail (au cas par cas, via le pouvoir discrétionnaire des préfectures), le gouvernement vient de transmettre le 20 décembre aux préfets une circulaire d'application accompagnée de deux listes de métiers dits "en tension". Cette circulaire devrait permettre aux préfets de délivrer une autorisation de travail à des étrangers notamment non qualifiés travaillant dans le bâtiment, le nettoyage, la restauration, l'aide à la personne... Mais cette liste de 150 métiers est réservée aux... seuls ressortissants des nouveaux pays qui viennent d'intégrer l'Union européenne. Elle exclut donc, délibérément, des milliers de travailleurs sans-papiers, notamment africains et asiatiques, qui travaillent déjà depuis des années et des années dans ces secteurs, cotisant aux caisses d'assurance maladie, de retraite, de chômage... déclarant et payant des impôts. Avec la publication de cette circulaire et des listes qu' ils accompagnent, le gouvernement a donc décidé d'interdire le travail, et donc de les chasser des postes qu'ils occupent déjà, des travailleurs"sans papiers" au motif qu'ils ne sont pas européens. Cette politique porte un nom. C'est une politique raciste. Comme nous l'avons maintes fois souligné lors de nos rencontres avec les ministères du Travail, des Affaires Étrangères, de l'Économie et des Finances et dernièrement à Matignon, le 21 décembre dernier, une certaine cohérence politique, économique et humaine impliquerait de régulariser déjà, dans l'égalité des droits, celles et ceux qui travaillent ici, qui vivent ici... Et qui, de toute façon, resteront ici. Nous refusons catégoriquement cette mise en concurrence de différentes catégories de travailleurs entre elles et son organisation via cette circulaire. À plus forte raison, quand cette mise en concurrence vise à l'exclusion d'une catégorie de travailleurs, du fait de son origine et sa nationalité. Si des métiers sont dits "en tension", alors que déjà des travailleurs"sans papiers" avec, encore une fois, dans la grande majorité des cas, des feuilles de paye, des contrats de travail..., les occupent et ce depuis des années, cela signifie, si les mots ont encore un sens, que dans ces métiers des centaines de milliers de nouveaux travailleurs de..., quelque pays que ce soit, peuvent y être embauchés. Cette évidence nous en avons fait la démonstration en déposant des listes de centaines de noms (et rien que de noms) et la référence aux différents secteurs d'activité occupés (bâtiment, nettoyage, restauration...), lors de nos entretiens avec les différents ministères, comme à Matignon le 21 décembre dernier. Plus que jamais, nous allons continuer à amplifier notre action avec les organisations et associations, et d'autres à venir, en manifestant dans la rue, chaque fois plus nombreux, pour exiger la régularisation detous les travailleurs sans-papiers. Mais il faudra bien aussi que les patrons qui ont, dans leur très grande majorité, embauché ces travailleurs "sans papiers" en toute connaissance de cause, finissent également par prendre leurs responsabilités.

samedi 22 décembre 2007

La loi Hortefeux

La « régularisation » par l’emploi n’en est pas une : danger pour les sans-papiers !
Une rumeur court en ce moment parmi les sans-papiers, et parmi les employeurs ou employeurs potentiels de sans-papiers : la réforme de la loi sur l’immigration du 20 novembre dernier permettrait la régularisation des étrangers qui travaillent ou qui détiennent une promesse d’embauche.
Or malgré les annonces faites par le gouvernement, non seulement on est loin d’une telle régularisation sur la base du travail, mais la disposition à l’origine de cette rumeur, qui a été introduite - d’ailleurs dans la plus grande des discrétions - par la loi Hortefeux, pourrait s’avérer être un véritable piège pour les personnes en situation irrégulière.
La disposition en question donne désormais la faculté aux préfectures de délivrer un titre de séjour à des étrangers qui exercent une profession connaissant des problèmes de recrutement. Mais le seul fait de travailler – et de pouvoir justifier d’un emploi – ne donnera aucunement un droit automatique à une carte de séjour. Les préfectures useront dans le traitement de ces dossiers, comme elles en ont l’habitude, de leur pouvoir discrétionnaire. D’ailleurs, la nouveauté se niche dans une partie du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) qui le dit explicitement : il s’agit d’une « admission exceptionnelle au séjour ». Parler ici de « régularisation » est une contre-vérité.
Mais il y a pire. Le dispositif n’est pas encore opérationnel ; il ne le sera qu’après l’adoption de la liste des professions décrétées « sous tension ». On pouvait espérer par réalisme que cette liste épouse les métiers exercés de fait par les sans-papiers. Et bien non ! On a appris, via une « fuite » dans le journal Libération du 29 octobre 2007, qu’il y aura deux listes, l’une réservée aux ressortissants des derniers pays entrés dans l’Union européenne, comprenant plus d’une centaine de professions peu qualifiées (celles exercées bien souvent par des travailleurs sans autorisation de travail), et une autre, plus courte, de métiers exigeant pour la grande majorité d’entre eux des diplômes de l’enseignement supérieur, qui sera celle applicable aux non communautaires. L’étau se resserre, et les chances pour les sans-papiers d’être admis (exceptionnellement) au séjour d’autant…
Depuis l’annonce d’une possible régularisation par le travail, en tous cas, beaucoup d’étrangers se précipitent dans les préfectures. Certains ont déjà fait l’objet d’interpellations au guichet et d’un éloignement du territoire. Les reconduites à la frontière sont facilitées par le fait que beaucoup parmi les personnes concernées sont célibataires, et souffrent davantage d’isolement. Après le fichage des familles favorisé par la prétendue régularisation de juin 2006, s’opère celui des étrangers célibataires. Une aubaine pour atteindre et dépasser les objectifs affichés de 25 000 expulsions pour l’année ! Ces expulsions sont peut-être, malgré les discours sur l’immigration de travail, la principale ambition de la politique migratoire du gouvernement ?
Le Gisti tient à alerter les sans-papiers et tous ceux qui les soutiennent : il est important qu’ils ne se rendent pas dans les préfectures tant que les listes de métiers ouverts ne sont pas parues, et même alors de ne pas s’y rendre sans s’être renseigné auprès d’une association ou d’un syndicat.
20 décembre 2007
http://www.gisti.org/spip.php?article1034

jeudi 20 décembre 2007

Election legislatives en France et en Belgique

Juin 2007 : 4 élus de la diversité sur 150 députés belges, 2 sur 577 députés français.
Nombreux étaient les candidats issus de l’immigration à s’être présentés aux législatives du 10 juin en Belgique et des 10 et 17 juin en France mais très peu ont été élus. Les principaux partis politiques belges accordent depuis longtemps une place à des candidats allochtones*. En France, c’est plus récent et discret mais 2007 représente sans doute un tournant : il n’y avait jamais eu auparavant autant de candidats de la diversité pour représenter les deux principaux partis politiques, l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et le Parti socialiste (PS).
Belgique : des élus directs et des suppléants
Le 10 juin, les Belges élisaient la totalité de leurs députés et, au suffrage direct également, 40 des 71 sénateurs (21 sont désignés par trois communautés linguistiques et 20 sont cooptés). Les suppléances remplaçant les démissionnaires pour double mandat parlementaire régional-fédéral- européen, ou nomination au gouvernement, vont permettre l’arrivée en cours de mandat d’autres députés et de sénateurs. Si on ne compare que des députés élus directement le jour de l’élection, un seul Belge d’origine non européenne avait été élu an 1999, 6 l’avaient été en 2003, 4 l’ont été le 10 juin 2007. Le recul s’explique essentiellement par la perte de 14 députés sur 48 des partis socialistes flamand et wallon, partis qui, avec les écologistes, ont toujours présenté plus de candidats allochtones que les libéraux et les chrétiens-démocrates. Les élus, Meyrem Almaci, d’origine turque, Dalila Douifi, d’origine algérienne, Meyrame Kitir et Fouad LahssaïniI, d’origine marocaine, sont d’ailleurs socialistes ou écologistes. Deux suppléants d’origine indienne et turque seront appelés à siéger. Deux sénatrices d’origine marocaine, Nahima Lanjri ET Olga Zrihen, font partie des 40 élus directs. D’autres représentants de la diversité, désignés par les Communautés ou cooptés, les rejoindront en juillet.
France : des candidats plus nombreux…
En 1993 et en 1997, une trentaine de candidats aux législatives étaient d’origine maghrébine et presque tous comme représentants de partis d’extrême gauche ou communautaires (France Plus) éliminés au premier tour. En 1997, Kofi Yamgnane, secrétaire d’Etat à l’intégration, d’origine togolaise est élu dans le Finistère pour le PS. Il n’est pas réélu en 2002 ni les autres candidats, Vert, PS ou UMP ayant accédé au second tour.
En 2007 les candidats issus de l’immigration ou des départements d’Outre-mer présentés dans les grandes villes métropolitaines et leurs banlieues sont nombreux, davantage dans les partis situés à la gauche du PS mais aussi dans les autres partis représentés dans l’Assemblée nationale sortante. Dans la circonscription d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, 7 candidats sur les 20 du premier tour sont d’origine maghrébine, ils n’étaient que 2 sur 15 à l’élection de 2002. Dans la circonscription de Roubaix Ouest, ce sont 7 candidats sur 13 en 2007 contre 4 sur 15 en 2002 à avoir des parents immigrés. Au total, même si le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) ne dénombrait que 19 candidats "noirs", il y a eu près de 200 candidats issus de l’immigration présents au premier tour des législatives 2007
…mais peu d’élus.
L’UMP et le PS ont présenté en métropole une trentaine de candidats de la diversité mais trois seulement dans une circonscription déjà détenue par leur parti, et, dans deux cas, un dissident du même parti s’est présenté et a été élu. L’IFOP, après une comparaison entre les circonscriptions attribuées par le PS à ces candidats et les autres circonscriptions en concluait que "les candidats socialistes issus de la diversité ont dû faire face à un terrain électoral moins favorable". 17 des candidats du PS, 6 de l’UMP et 1 communiste dont accédé au second tour. Deux candidats socialistes ont été élus, avec une confortable majorité, George Pau-Langevin d’origine guadeloupéenne à Paris et Henri Jibrayel élu à Marseille où il est né de parents immigrés libanais.
Les autres candidats de la diversité présents au second tour ont fait des scores inférieurs de 2 à 8% au résultat obtenu un mois auparavant par leur candidat à la présidentielle dans la même circonscription. Malek Boutih, ancien président de SOS-Racisme et candidat du PS éliminé dès le premier tour sans une circonscription de Charente affirmait cependant : "nous avons ouvert une voie pour la suite. Plus une élection législative n’aura lieu sans candidat de la diversité. Le mouvement est irréversible."

Une élue d'origine Martiniquaise












Norvège : Polémique sur l’entrée d’une Martiniquaise au gouvernement
L’arrivée de la Française Manuela Ramin-Osmundsen au sein du gouvernement norvégien, une première, fait des remous dans le pays scandinave. La frange populiste de l’opposition s’inquiète qu’un ministère soit confié à une personne "loyale à une puissance étrangère".


Rencontre avec les parents de Manuela Ramin-Osmundsen (20 octobre 2007)

Manuela Ramin-Osmundsen, ministre de l’Enfance et de la Parité au sein du gouvernement norvégien.
Native de la Martinique, Manuela Ramin-Osmundsen a été nommée jeudi ministre de l’Enfance et de la Parité au sein du gouvernement de centre-gauche norvégien, une petite révolution dans un pays qui n’a jamais eu de ministre noir ni d’origine étrangère jusqu’alors. "Je suis fier d’être à la tête d’un gouvernement qui comprend pour la première fois une ministre d’origine étrangère", a déclaré le Premier ministre travailliste Jens Stoltenberg en annonçant la nomination de Mme Ramin-Osmundsen.
Affaire de permis de séjour, cette annonce a toutefois déplu au Parti du progrès, la principale formation d’opposition, située à l’extrême-droite, qui a mis en cause les compétences et la loyauté de l’intéressée. Vivant en Norvège depuis 1991, Mme Ramin-Osmundsen y a brièvement été directrice de l’Office national de l’immigration (UDI), un poste qu’elle a dû quitter en mai 2006, après quelques semaines seulement, à la suite d’une affaire de permis de séjour accordés à des Kurdes irakiens en violation des instructions du gouvernement, celui-là même qu’elle vient d’intégrer.
"Elle n’a pas été capable d’être une bonne dirigeante à la tête de l’UDI, et on voit difficilement comment elle pourrait l’être à la tête d’un ministère", a réagi Per Willy Amundsen, un responsable du parti du Progrès (FrP), sur les ondes de la radio NRK. Favorable à une politique restrictive d’immigration, exhalant parfois des relents de xénophobie mais récusant toute analogie avec le Front national français, le FrP a dit réfléchir au dépôt d’une motion de défiance au Parlement, où il dispose de 38 sièges sur 169.
"J’ai rendu mon passeport français" Rappelant que Mme Ramin-Osmundsen s’était déclarée loyale à la fois à la Norvège et à la France l’an dernier, M. Amundsen a aussi estimé "un peu spécial" qu’un ministère soit attribué à une personne "qui se dit loyale à une puissance étrangère". "Ma loyauté va à la Norvège. Ce que j’ai dit auparavant l’a été alors que j’étais citoyenne française. Point final", a répliqué Mme Ramin-Osmundsen. La juriste de 44 ans a déclaré avoir obtenu la nationalité norvégienne il y a deux semaines et avoir renoncé par la même occasion à la nationalité française, la Norvège n’autorisant pas la double nationalité en cas de naturalisation. "J’ai rendu mon passeport français", a-t-elle dit à l’AFP.
La presse unanimement positive Un autre élu d’origine étrangère, Mubashar Kapur, membre du conseil municipal d’Oslo pour le parti conservateur, s’est lui aussi élevé contre la désignation de Mme Ramin-Osmundsen. "Elle est un faux alibi ethnique pour le gouvernement", a-t-il déclaré à l’agence norvégienne NTB. "Elle est norvégienne depuis deux semaines, elle n’a pas grandi ici et elle ne connaît pas de près les problèmes des minorités ethniques", a-t-il ajouté. Mais son parti et le parti démocrate-chrétien, autre formation de l’opposition, ont tous deux exclu de voter une éventuelle motion de défiance.
La presse, elle, était unanimement positive. Le quotidien de référence Aftenposten évoquait "un jalon dans l’histoire politique de la Norvège", soulignant que les gouvernements norvégiens avaient jusqu’à présent échoué à refléter la diversité de la société. A son poste qui couvre aussi la lutte contre les discriminations, Manuela Ramin-Osmundsen aura pour homologue, dans la Suède voisine, Nyamko Sabuni, une immigrée d’origine congolaise nommée ministre de l’Intégration il y a tout juste un an.

jeudi 13 décembre 2007

Municipales : les élus ultramarins montent au créneau

Table ronde

Après l’AMEDOM, une association regroupant les élus originaires de l’outre-mer, un comité d’élus ultramarins a été mis sur pied. L’instigateur de cette initiative, Patrick Karam, l’actuel délégué interministériel à l’égalité des chances des français d’outre-mer, ambitionne de fédérer ces élus pour en faire une force de frappe aux prochaines municipales et permettre à de nouveaux prétendants ultramarins d’investir les mairies de leurs cités.
Ils sont venus de Mantes-la-Jolie, de Paris, de Stains, de Villepinte, de Sarcelles, de Paroy, de Gagny ou de Créteil, mais aussi de Drancy, de Montfermeil et de Clichy-sous bois - la ville d’où sont parties les émeutes de novembre 2005 - pour assister à la première réunion de lancement du comité des élus d’outre-mer présidé par l’omnipotent Patrick Karam, le délégué interministériel à l’égalité des chances des français d’outre-mer sur le sol hexagonal. Une réunion de lancement destinée à mieux se connaitre et à désigner les membres du bureau. Toutes tendances politiques confondues, hormis le front national, les élus confirment ou affirment leurs désirs et ambitions pour la prochaine campagne municipale ou cantonale dans leurs cités et au sein de leurs partis respectifs. Il faut, tôt ou tard, bouleverser les mentalités pour changer la vie démocratique de ce pays et faire rentrer un peu de diversité dans la vie de la cité. Alors, le délégué interministériel, à l’initiative de la création de ce comité, assure : "Ensemble, nous allons changer la vie de nos compatriotes venant de l’outre-mer vivant ici ». Le pari est audacieux mais jouable. Car tous ses enfants de l’outre-mer s’engageant pour l’amélioration de leur environnement, sont des citoyens et méritent une place et de la reconnaissance dans le débat public.

Janine Maurice-Bellay : Conseillère régionale d’ile-de-France


Un nécessaire représentativité des ultramarins
La création du comité des élus des originaires d’outre-mer en Métropole est destinée à permettre aux originaires d’outre-mer à prendre toute leur place et y compris politique au sein de la société française. Ce comité réunira une fois par mois ses membres qui donneront leur avis, et débattront sur les problématiques des ressortissants de l’outre-mer. Déjà, certains lancent un appel aux partis politiques et font savoir que l’exigence d’égalité passe par les ultramarins. Car il y a une classe politique à faire émerger qui provient des îles de la France du grand large. Aujourd’hui, la vigilance est de mise. Il faut une vraie représentativité des ultramarins dans l’Hexagone.


Il y a un outil qui a vu le jour avec Patrick Karam. C’est une petite tentative de considération. Il faut qu’on prenne toute notre part là dedans parce qu’enfin ça existe. La première rencontre a été très révélatrice et nous sommes en train d’apprendre à nous connaître. L’idée est de se rencontrer assez souvent, de faire des propositions pour que ce comité puisse exister et d’avoir un œil sur les prochaines élections de 2008. Nous, les élus ultramarins de Métropole, nous sommes transparents voire inexistants aux yeux des médias et des institutions. Nous devons faire un petit pas pour nous faire entendre. Faisons-le ensemble, ce premier petit pas. Je pense que chacun de nous pourra mettre sa casquette politique de côté et porter la couleur de l’outre-mer car nous avons une particularité, nous sommes originaires de l’outre-mer.





Pierre Pluton : Maire de la commune de Evry-Grecy-sur Yerres en Seine-et-Marne

Je suis élu dans une commune où il y a très peu d’originaires de l’outre-mer. Mais, je souhaite que ce comité permette de faire bouger les choses. Je pense surtout que cela suscitera des vocations chez les jeunes de la communauté ultramarine qui se disent aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas être maire ou conseiller municipal. Dans ma commune, je tiens compte de la diversité qui est en place et des idées qu’elle véhicule.






Jean-Claude Gautry : Maire de la commune de Paroy en Seine-et-Marne

C’est une très bonne chose que la création de ce comité. Nous, les élus d’origine ultramarine, on nous ignore complètement. Il y a plein de mes compatriotes qui ne savent pas que je suis maire et j’irai plus loin, je constate que, même les élus d’outre-mer eux- mêmes, ne savaient pas qu’il y avait des élus ultramarins élus en métropole.

Georges Aurore : Maire- adjoint de Créteil et président de l’AMEDOM

Le comité est le prolongement de ce que nous faisons. Par le biais du comité, nous pourrons, avec l’appui du délégué interministériel à l’égalité des chances des français d’outre mer, Patrick Karam, aller en haut lieu porter la parole et les problèmes que nous rencontrons. C’est un plus pour nous. Nous mettons en place une structure qui permettra d’aller beaucoup plus loin. La place du président de l’AMEDOM doit se trouver au sein du comité et non en dehors. La politique ultramarine n’avait pas les moyens pour rayonner. Depuis vingt ans, nous avons la tête dans le guidon. Maintenant, nous n’avons pas le droit de décevoir. Cette structure arrive à point nommé.

Patrick Karam : Délégué interministériel à l’égalité des chances des français d’outre-mer

Pour trois raisons qui étaient intolérables, il fallait avoir une structure telle que celle-ci. Lors qu’on parle de sujet comme l’écologie, on consulte les associations et leurs représentants. Lorsqu’on parle des victimes d’accidents de la route, on consulte les associations et leurs représentants. Et, lorsqu’on parle des domiens et tomiens de métropole, on ne consulte personne. Surtout, on ne consulte pas les élus qui ont leur légitimité émanant de leur mandat. On ne tient absolument pas compte de leurs opinions. C’est une vraie injustice qu’il m’appartient aujourd’hui de réparer. Il est naturel que je les consulte, mais au-delà de la consultation, je les associe au travail que je vais mener. Ils seront informés des détails de mon programme et ils pourront l’amender et apporter leur amélioration. Les originaires de l’outre-mer élus sur le territoire métropolitain ont une tâche importante. Il faut s’assurer que les intérêts de la communauté ultramarine soient représentés au niveau électif. Il était absolument paradoxal, qu’au moment où l’on parle de diversité, on oublie qu’il existe des élus originaires d’outre-mer, et que ce concept de diversité soit réservé aux français d’origine étrangère. Oui, la diversité de la France, c’est aussi l’outre-mer. Tous ces élus originaires d’outre-mer sont des éléments majeurs de ma politique.


Vendredi 28 septembre 2007 par Alfred Jocksan





































L’islam en Grande-Bretagne

L’islam en Grande-Bretagne par Jorgen Nielsen, islamologue, professeur à l’université de Birmingham et directeur du Centre for Study of Islam and Christian-muslim relations, aborde la question du pluralisme religieux britannique, notamment à travers les exemples du droit de vote et de l’éducation.
L’islam en Grande-Bretagne
Je vais d’abord faire un court survol de la situation des musulmans en Grande-Bretagne. Chez nous comme chez vous, il est impossible de donner des statistiques. On a, en avril 2001, effectué pour la première fois un recensement qui inclut la question de la religion mais on attend toujours les résultats. Les chercheurs qui produisent des statistiques prennent de grands risques. Un million et demi, deux millions sont les chiffres généralement cités. Cela relance aussi la question des définitions : qui est musulman ? Pour l’opinion publique, c’est plus une définition ethnique, qu’une définition religieuse.
Le pluralisme britannique
En Angleterre, l’image des minorités ethniques est très plurielle, peut-être la plus plurielle dans toute l’Europe. Nous avons des communautés très diverses, musulmanes, sikhs, bouddhistes, hindoues, juives… et des minorités ethniques qui sont d’origine chrétienne, comme les Jamaïcains. De ce fait, il est très difficile de mettre un trait d’égalité entre races et religions ou entre minorités ethniques et religions. Dans les communautés musulmanes, il y a un grand pluralisme ethnique. L’image publique de l’islam en Grande-Bretagne, c’est une image d’Asie du Sud : Indiens, Pakistanais, Bangladeshis… On estime que 60% de la population musulmane est originaire de cette zone, alors que 40 % restants sont, chypriotes turcs, malaisiens, africains d’est et d’ouest, etc. Ce pourcentage dépend aussi des régions et les différentes ethnies se répartissent de manière différente selon que l’on est à Londres, dans des grandes villes comme Birmingham, Manchester ou Glasgow ou enfin dans des petites villes comme Bradford, Blàckbùrn, Oldham, Bristol… La situation économique est aussi très diverse selon la réussite dans l’éducation. Les gens originaires d’Inde – surtout Gudjerat – ont obtenu de grands succès dans l’éducation et donc dans l’économie, alors que ceux du Bengladesh ont stagné dans l’éducation et sont frappés par le chômage.
Depuis dix-douze ans, on assiste, comme dans le reste de l’Europe, à un changement de génération. L’événement symbolique de ce changement a été chez nous l’affaire Rushdie (1988) - en France, cela a été l’affaire des foulards. L’affaire Rushdie a marqué l’insertion dans la vie politique de la génération issue de l’immigration. Avant, la question de l’islam ne figurait pas dans le débat public. Le deuxième thème c’est précisément la question des réactions des institutions à l’entrée des musulmans dans l’espace public. (Voir communications – en anglais -). Pour le comprendre, il faut revenir sur l’histoire institutionnelle de la Grande-Bretagne, les rapports entre religion et espace public. Au moment où en Europe, dans le traité de Westphalie (1648) on a institué le principe d’un Etat avec une seule religion, l’Angleterre s’engageait dans une autre direction. L’expérience de la Grande-Bretagne c’est celle d’un nationalisme pluriel anglais, gallois, écossais, irlandais… c’est l’expérience d’un multiculturalisme religieux. Après la Réforme en Angleterre, avec des grandes crises et des tensions, on avait développé une vie publique plurielle dans le domaine religieux. Si on compare les problèmes actuels – imaginaires ou autres – des rapports avec l’islam, et ceux des rapports depuis deux siècles avec les catholiques, on se rend compte que les seconds dont bien plus importants. L’Eglise catholique – avec les Irlandais – était considérée comme une cinquième colonne. C’est seulement ces cinquante dernières années que l’on a accepté les catholiques comme intégrés dans la vie sociale, culturelle et publique, surtout de l’Angleterre.
Cette expérience de pluralisme religieux et national, aide à l’heure actuelle : il s’agit seulement d’insérer une quinzième, seizième ou dix-septième communauté dans une société qui a toujours été plurielle. Si on se place dans une perspective historique, les défis de l’insertion de l’islam en Grande-Bretagne, sont moins importants. Bien sûr, cela ne fait pas de différence pour les musulmans individuels ou organisés qui souffrent de discriminations, mais cela nous donne une perspective.
Au plan institutionnel ou dans le débat public, c’est seulement depuis les années 1980 que la question de l’islam a joué un rôle. Jusque-là, les institutions traitaient des questions d’ethnicité et de racisme. La Commission officielle pour l’Egalité, par exemple, qui existe depuis les années 1970, n’accepte toujours pas une analyse sur la base de la religion. Cela a créé une tension entre la Commission et le gouvernement et entre la Commission et les communautés qui se définissent musulmanes, les sikhs, les bouddhistes… qui se définissent de plus en plus sur une base mixte, ethnique et religieuse.
Depuis les années 1980, se sont installées dans la vie publique, en dehors des institutions gouvernementales, des coopérations entre les organisations de foi, un réseau officiel entre des représentants des religions. D’un côté des catholiques, des anglicans, des protestants et de l’autre côté des zoroastriens et aussi des membres d’organisations locales représentant différentes religions locales. Ce réseau est maintenant accepté par le ministère comme la première source de référence lorsqu’il y a des questions politiques, sociales économiques et que l’on a besoin de consulter des responsables religieux. C’est durant le règne des conservateurs, avant 1997, qu’ont eu lieu les premières initiatives pour consulter les représentants religieux et qu’elles provenaient du ministère des affaires étrangères. Puis le gouvernement travailliste a accepté d’établir des consultations entre le ministère de l’intérieur et de l’éducation, et les organisations musulmanes. Au niveau des municipalités existe une très longue expérience de travail en collaboration avec les organisations locales représentant des communautés avec une identité religieuse – notamment dans les grandes villes comme Birmingham, Manchester, Leicester… Un autre développement très caractéristique de la Grande-Bretagne, et surtout de l’Angleterre, entamé ces dix dernières années et qui s’est poursuivi avec les Travaillistes, c’est le développement depuis la centralisation. Il y a 20 ans, on disait que le pays le plus centralisé en Europe était la France et le pays le plus décentralisé, la Grande-Bretagne. La situation s’est inversée. C’est un développement qui a été lancé par Margaret Thatcher et s’est poursuivi avec Tony Blair. Le pouvoir qui maintenant est donné aux gouvernements locaux est minimal.
Cela s’est reflété dans le développement des institutions musulmanes. Il y a 20-25 ans les organisations communautaires – musulmanes, hindoues, juives, etc. – ont eu de bons résultats dans cette coopération avec les institutions locales. On a créé en 1972 l’Union des organisations musulmanes de Grande-Bretagne et d’Irlande, une organisation parapluie, mais elle est restée sans influence, parce l’influence politique était locale. Depuis l’affaire Rushdie, se sont développées des organisations sur le plan national et elles ont gagné une influence et une efficacité qui étaient impensable auparavant. Maintenant on a le Conseil musulman de Grande-Bretagne, non officiel. Ce Conseil musulman britannique est enregistré surtout pour des motifs fiscaux. Il y a des élections mais qui sont un peu fictives. Néanmoins le Conseil a été accepté car il a de l’influence auprès des communautés musulmanes et auprès du gouvernement : on a changé des législations après des négociations avec le Conseil, par exemple, et après le 11 septembre, lorsque Tony Blair a voulu donner des signes publics positifs, il a invité son leadership et cela a été perçu par le public comme un signal positif du côté du premier ministre.
L’intégration par la citoyenneté
La Grande-Bretagne et la France diffèrent de la majorité des pays d’Europe parce que les musulmans y sont des citoyens. Bien sûr le concept de citoyenneté en Angleterre n’a pas la force idéologique qu’il a en France, cela signifie tout simplement en Angleterre la couleur du passeport que l’on possède. Le concept de citoyenneté n’est pas idéologique comme dans le reste de l’Europe ; ce n’est pas un problème si un citoyen a un passeport britannique et aussi un passeport américain, algérien, etc. Dans la loi, le concept de citoyenneté est une chose très nouvelle et apparaît depuis 1981 et l’acte de nationalité. Avant on parlait toujours de sujet de la monarchie. Ce concept ancien de sujet est la base de la naturalisation des citoyens du Commonwealth. L’immigrant d’origine du Commonwealth ne demande pas sa naturalisation mais son enregistrement comme citoyen britannique, comme sujet de la Reine. La plupart des immigrés, des années 1950, 1960 et 1970, sont devenus des sujets de la reine, ont pris le passeport britannique sans problème parce qu’ils étaient des sujets de la reine avec la citoyenneté indienne ou pakistanaise. Dès leur installation, ils ont le droit de vote et d’éligibilité dans les élections locales et nationales. Un citoyen indien en Grande-Bretagne à plus de droits politiques que quelqu’un avec un passeport européen. Cela donne la possibilité, et cela depuis le début, de participer à la vie politique.
La première génération l’a fait sur une base non confessionnelle (associations des travailleurs indiens, pakistanais…), et dans les années 1980 on a découvert une identification avec la religion et les conseillers élus – par exemple à Birmingham : des socialistes élus ont découvert qu’ils étaient aussi musulmans. Dans une ville comme Birmingham entre 10 et 15% de la population est d’origine musulmane et environ le même pourcentage des élus locaux est musulman. A Birmingham, il y a 6 mosquées et plus de cent salles de prières. La politique locale a changé parce que l’électorat l’a demandé. Avec la centralisation du gouvernement sur ces dernières années on a vécu le même développement sur le plan national. Enfin, je voudrais aborder les événements des deux trois dernières années. En 2001, il y a eu en Angleterre des émeutes dans les villes du nord – Bradford, Blàckbùrn, Oldham, - avec des batailles de rue. Il était très clair que c’était une stratégie planifiée du British National Parti (sorte de Front national, en plus petit) qui voulait manifester contre les minorités ethniques dans les quartiers où vivaient ces minorités. C’était une politique de provocation planifiée. Mais la question est de savoir pourquoi dans ces villes et pas d’autres ? La réponse est simple : ces villes du nord sont des villes duelles. La population de ces villes d’anciennes industries est en général sans travail, sans développement nouveau, avec une population blanche et une population – qui n’est pas minoritaire – asiatique et musulmane et souvent d’origine kashmiri. Il y a seulement ces deux populations : blanche sans travail et kashmiri sans travail. Dans ces villes le racisme devient anti-islamique. Le British National Parti a essayé de faire la même chose à Birmingham mais en collaboration avec les représentants communautaires, le gouvernement local et la police, il a été demandé au ministère de l’intérieur d’interdire ces manifestations et contre-manifestations et le gouvernement l’a accepté. A Birmingham ou à Londres on ne peut pas diviser les jeunes de cette façon parce que la composition ethnique est plurielle – y compris celle des blancs.
L’autre événement, est le 11 septembre 2001. La comparaison entre l’affaire Rushdie et le 11 septembre est très intéressant. Au moment de l’affaire Rushdie et de la guerre du Golfe, des débats publics ont eu lieu sur la loyauté et l’identité des musulmans : « les musulmans peuvent-ils être une cinquième colonne ? » Après le 11 septembre, et bien qu’on ait arrêté des jeunes musulmans qui ont travaillé avec Al-Qaida, le débat a évolué. Les questions posées sont celles de l’équilibre entre intégration, acceptation de la communauté musulmane et sécurité. La politique du gouvernement et des organes de sécurité est subtile. On cherche des terroristes – et il y en a en effet – mais la politique opérationnelle et officielle on distingue ces individus de l’ensemble de la communauté. C’est la grande différence entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Le gouvernement rejette la stigmatisation des musulmans et le ministre de l’intérieur, David Blunket, s’est prononcé contre la position des conservateurs qui demandent un alignement sur une politique américaine. Mais la question demeure de l’équilibre entre les demandes de sécurité les exigences de politique internationales, surtout la coopération avec les Etats-Unis, et les demandes de la paix communautaire au plan local.
Questions
1. Sur la langue. Est-ce qu’il y a beaucoup de citoyens anglais de confession musulmane qui ne parlent pas l’anglais ? Est-ce qu’il y a une politique linguistique d’enseignement des langues d’origine ?
2. L’enseignement des religions se fait-il dans les écoles ? Est-ce que ce sont des écoles communautaires ?
3. Comment s’est constitué le Muslim Council for Britain ? Vous n’abordez pas la question de l’émergence d’un islam britannique par rapport à des islams ancrés dans des communautés d’origine. Vous évoquez (dans votre document) la question de la plus grande flexibilité du droit britannique et le fait que le juge a un pouvoir d’appréciation beaucoup plus large qu’en France par rapport à la loi. Dans quelle mesure cela favorise-t-il une capacité d’accueil plus grande des musulmans (prise en compte de certaines préoccupations en matière de droit personnel par exemple). Inversement, dans quelle mesure ce pouvoir du juge ne va-t-il pas aboutir à une remise en cause du concept d’ordre public national ?
4. À propos de la distinction entre sujet et citoyen. En France aussi on a connu cette distinction pendant tout le temps où il y a eu un empire français, l’empire colonial. Dans le droit et dans les faits, il y avait un certain nombre de Français ou de personnes considérées comme françaises, par exemple en Algérie, qui étaient non citoyens français mais sujets français. Je ne suis pas sûr que cette distinction entre sujets et citoyens français ne pèse pas encore sur les mentalités. Dans l’empire britannique, l’hindou par exemple, qui pouvait être musulman, était sujet de la reine ou du roi, mais il avait un statut différent de celui de sujet britannique proprement dit. Quel était ce statut particulier ? Cela pèse-t-il encore là aussi sur les mentalités ?
5. Une question qui serait plus une demande de complément d’information d’ordre sociologique économique : sur les classes sociales chez les musulmans de Grande-Bretagne - à la City il y a beaucoup de musulmans et beaucoup de flux financiers musulmans internationaux. Et quels sont les liens entre les ressources financières provenant des ex-colonies et la situation des musulmans en Grande-Bretagne.
Réponse
La connaissance de l’anglais n’est pas une condition de citoyenneté, d’obtention du passeport britannique. La seule condition officielle est la loyauté à la reine. Dans l’immigration, il y a toujours beaucoup de grands-mères et de mères qui ne parlent pas ou peu anglais. Mais les jeunes apprennent l’anglais à l’école. Des communautés très importantes, comme à Birmingham, peuvent reconstruire des groupes autonomes, autosuffisants. Mais si on prend les communautés à Newcastle, par exemple, où existent de très nombreuses origines ethniques, ce n’est pas possible. Mon expérience avec des étudiants d’universités est que les jeunes issus de lieux où les communautés ne sont pas très importantes, parlent davantage l’anglais que dans les lieux où les communautés sont importantes. A Birmingham l’intégration culturelle et linguistique demande peut-être trois générations alors qu’à Newcastle ou dans des villes plus petites, il faut deux générations.
En ce qui concerne la politique linguistique, elle est désormais centralisée par le gouvernement national, mais appliquée localement par les écoles, au détriment des pouvoirs municipaux. On a dit aux directeurs d’écoles « vous avez votre budget et dans le cadre des politiques nationales vous faites comme vous voulez ». En même temps on a fait une politique nationale plus crédible et le résultat est qu’on a une politique très directive, très centralisé. Mais le pouvoir éducatif est entre les mains du directeur de l’école.
L’éducation religieuse est obligatoire dans toutes les écoles en Grande-Bretagne. C’est le résultat d’un accord informel entre les églises depuis 1944. Les églises en Angleterre étaient les premières responsables de l’éducation. La première politique nationale de l’éducation en Angleterre a été réalisée seulement en 1870. Au Danemark, c’était en 1815. Dans les premières décennies après 1870, l’éducation nationale, l’éducation officielle de l’Etat était très faible. La plupart des écoles étaient des écoles des églises anglicane, catholique et on trouvait une douzaine d’écoles juives. En 1944, les églises n’avaient pas encore de finances et il y a eu cet accord avec l’Etat : l’Etat prend en charge les écoles mais en échange, protège toujours une éducation religieuse qui est décidée au plan local. Le curriculum de l’éducation religieuse est fait dans un processus de coopération, de consultation entre les enseignants, le gouvernement local et les représentants des religions. Un élève qui ne veut pas suivre l’enseignement religieux ou un enseignant qui ne veut pas donner un cours d’enseignement religieux peuvent s’abstenir.
Puisque le curriculum est décidé dans un processus de consultation avec les autorités locales, quand la communauté locale change le curriculum change. Depuis les années 1970, l’éducation inclut la chrétienté, l’islam, le judaïsme et les autres religions. C’est une éducation plurielle. On a maintenant la possibilité, pour une école où l’une ou l’autre des religions est majoritaire, de décider légalement que dans cette école on peut donner une éducation religieuse majoritairement musulmane, par exemple, avec une instruction pour la chrétienté en tant que religion minoritaire. Depuis 1970, la formation des enseignants a changé aussi. Ils reçoivent une éducation pluraliste et enseignent plusieurs religions. Il y a maintenant des dizaines de femmes voilées qui enseignent le pluralisme des religions dans l’école britannique.
Le Muslim Council of Britain s’est auto-constitué, à la suite de la campagne Rushdie. Le précurseur en était le U.K. Action Committee on Islamic Affairs. On dit que le MCB est une organisation proche de la Jamaya islamia, mais je crois que c’est une composition plus large.
Ya-t-il un islam britannique ? Non. Des islams britanniques. Par exemple que faire du Hizb al-Tarir, un mouvement extrémiste, qui refuse l’intégration officiellement, mais en même temps participe au débat politique ? C’est une forme britannique de l’islam. Il y a une forme d’intégration, même de ce type de parti, On le voit manifester non seulement sur la politique extérieure mais aussi sur des sujets de politique intérieure. Il y a aussi l’Islamic Foundation qui a une participation très vivante des femmes, des jeunes, des programmes politiques et des projets en coopération avec des institutions chrétiennes et non musulmanes.
Concernant la loi, les traditions légales de la Grande-Bretagne sont très intéressantes et donnent des possibilités d’insertion et de pluralisme culturel. Les juges rendent des jugements flexibles toujours en référence aux spécificités culturelles d’un individu, d’une famille ou d’une communauté. Si cette spécificité culturelle inclut une spécificité religieuse, cela fonctionne aussi. Mais le premier critère est le pluralisme culturel. C’est aussi comme cela dans le domaine de l’éducation. En anglais, on dit « Les gens sont différents. Si vous les traitez de la même façon, ils ne sont pas traités égalitairement. » Les spécificité culturelles sont un facteur déterminant surtout dans les affaires familiales. Est-ce que cela menace l’unité de l’ordre public ? La réponse britannique est une affaire de négociation, de pratique. Il y a une frontière mais elle n’est pas précisée, elle est grande, grise et en mouvement.
Citoyenneté/sujet, l’exemple indien. On parle des membres élus du Parlement d’origine asiatique ou noire, des minorités ethniques dans le Parlement aujourd’hui mais ce n’est pas une chose nouvelle. Durant le règne de Victoria, le premier membre du parti communiste était un indien, élu comme communiste avec un passeport indien mais pas britannique. En Inde, un Indien était sujet de la loi indienne qui, dans les affaires familiales, était communautaire. Il y avait une loi familiale hindoue, une loi familiale musulmane mais pour les autres affaires, il y avait une loi indienne. Mais s’il émigrait en Angleterre, il était sujet de la loi britannique sauf dans les affaires familiales. Mais c’est aussi le cas en France. C’est la loi internationale privée. C’est aussi une des différences entre la Grande-Bretagne et l’Europe, la base de la loi internationale privée ici et en Europe, c’est la nationalité : étranger/français. En Grande-Bretagne, c’est une question de domicile.
Les finances islamiques. Les financements des activités des communautés musulmanes diffèrent énormément. Par exemple, à Birmingham, on a la mosquée Saddam Hussein, fondée par une communauté d’origine indienne, gùdjeràti, qui a une très étroite coopération avec l’église anglicane voisine puis qui a trouvé un financement d’origine irakienne. Il a fallu presque dix ans pour achever sa réalisation. D’autres mosquées sont financées par l’Arabie saoudite ou par les communautés. Il y a des commerçants, des entrepreneurs d’origine musulmane qui prennent en charge le financement des activités des communautés. Il y a par exemple la mosquée Centrale à Londres, à Regents Park, financée par un Conseil qui inclut les ambassadeurs des pays musulmans. C’est très politisé, il y a toujours des rivalités entre les ambassadeurs et tout est affaire de négociations politiques mais ils arrivent à s’entendre.
En revanche, il n’y a pas de financement public des édifices ou activités religieuses. Mais on distingue entre activités religieuses et les activités socioculturelles. La mosquée de Birmingham, par exemple, a des facilités pour les activités socioculturelles et là on peut trouver des financements publics. Pour les déductions fiscales, si l’on est enregistré comme activité caritative, il y a des avantages fiscaux et des réductions d’impôt. Ce n’est pas un droit, c’est une négociation. Il n’y a pas une législation générale. L’église anglicane et elle seule travaille sous régime spécifique en Angleterre, sous une autre législation au Pays de Galle et encore sous une autre en Ecosse. L’église catholique a sa législation spécifique dans les quatre pays du Royaume-Uni. Les grandes églises protestantes aussi. Mais les droits et les responsabilités qui sont issus de ces législations aussi diffèrent. L’église anglicane a des avantages historiques mais qui n’ont plus une grande importance. Les cathédrales aussi sont sous la responsabilité de l’église pas de l’Etat.
Questions
1. Le débat en Angleterre sur la question des discriminations a été pionnier. Aujourd’hui se sont-elles accentuées ? L’appartenance à la foi musulmane est-elle un élément aggravant ? Est-ce que dans la diversité des populations musulmanes qui sont venues en Grande-Bretagne, les intellectuels sont nombreux et est-ce qu’un certain nombre d’imams ont été formés en Grande-Bretagne ?
2. Vous avez dit que depuis le 11 septembre la politique du gouvernement a été de distinguer entre les individus et les communautés. Les médias ont-ils suivi ? Est-ce que l’évolution de l’Angleterre vers une plus grande centralisation a impliqué une certaine idéologisation et politisation des débats depuis une dizaine d’années ? Est-ce que cela s’est fait avec l’émergence publique de l’islam ? Est-ce que c’est concomitant avec le fait de poser la question en termes religieux ?
3. Un certain nombre de musulmans ont demandé au gouvernement britannique d’interdire le Hezb al-Tahrir , demande à laquelle il n’a pas répondu. Ainsi, on peut clairement et publiquement s’en prendre violemment à n’importe quelle autorité politique ou même légitimer le fait de pouvoir s’en prendre à quelqu’un comme Tony Blair ou John Major. Est-ce que cela est une intégration dans le champ politique ? Même s’ils ne sont que quelques dizaines, les médias parlent de façon disproportionnée des extrémistes. Or cette présence justifie la politique sécuritaire. Il y a deux thèses à l’intérieur des communautés musulmanes : il s’agit d’un jeu du gouvernement avec ces partis là pour justifier sa politique sécuritaire ; d’autres pensent qu’ils font partie du champ légitime et qu’il faut qu’ils puissent s’exprimer. En France, on dit souvent que l’Angleterre laisse parler les gens les plus radicaux et qu’elle serait ainsi une plaque tournante en Europe pour tous les mouvements radicaux. Qu’en pensez-vous ?
4. Comment expliquez-vous la contradiction apparente entre l’alignement de la Grande-Bretagne sur les Etats-Unis dans le combat contre le terrorisme et le fait que Londres soit devenu cette plaque centrale des mouvements radicaux. La plupart des attentats qui ont eu lieu en France montrent que les jeunes des quartiers qui y étaient impliqués sont passés par Londres. Et l’on considère que ces mouvements sont infiltrés par les services arabes ou d’autres. Quelle est la position de l’Angleterre ?
5. Sur les réactions de la société britannique et des médias. Même s’il y a de la part des autorités des précautions pour distinguer entre les individus et les communautés britanniques, est-ce qu’il n’y a pas dans la société britannique une suspicion ? Sur la représentation politique. Vous avez dit qu’il était opportun à certains moments de se souvenir qu’il y avait des musulmans pour des raisons électorales mais est-ce que cela induit quand même un mouvement de représentation électorale au niveau local ou national ?
6. Une des choses qui sont frappantes en Grande-Bretagne, c’est l’implication dans la vie locale des musulmans. Il y a des tas de villes en France où il y a plus de 15% de musulmans et où il n’y a pas de mosquée. Est-ce que cette différence est liée au droit de vote : dès l’arrivée en Grande-Bretagne pratiquement toutes ces personnes avaient le droit de vote et cela a créé une implication politique ou y a t-il d’autres raisons ?
Réponse
La question des discriminations racistes. Des gens et des chercheurs, et surtout les organisations musulmanes, cherchent s’il y a une distinction entre le racisme et l’islamophobie. C’est une question compliquée et il n’y a pas en Angleterre de loi contre la discrimination religieuse. Mais on a une loi contre la discrimination basée sur la race et l’ethnie. Elle n’existe pas en Irlande du Nord. On a des directives européennes sur les discriminations religieuses dans le travail qui seront appliquées en Angleterre dès décembre 2003. Des musulmans disent que chez les islamophobes il y a une discrimination contre les musulmans mais c’est l’expérience personnelle de la victime, c’est difficile d’en donner une appréciation objective. Mais je crois qu’il se passera quelque chose de nouveau avec cette loi contre les discriminations religieuses.
Le mot intelligentsia n’est pas en anglais. Il n’y a pas d’intelligentsia en Angleterre… Un des plus grands problèmes des communautés musulmanes en Angleterre, c’est la faiblesse du leadership religieux. 99% des imams proviennent toujours des villages d’origine. Ils ne sont presque pas éduqués. Des efforts ont été faits du côté communautaire pour former des imams britanniques mais les modèles sont des modèles indiens. Le modèle des écoles de formation des imams en Angleterre est celui de Deoband [1] et on enseigne le programme de Deoband presque sans adaptation. On demande que le niveau des jeunes gens issus de ces écoles soit reconnu par les universités mais les universités le refusent. Il y a des douzaines de jeunes gens qui trouvent des entrées dans l’université d’El Azhar. Après, les universités reconnaissant l’enseignement d’El Azhar et les acceptent. Le résultat est qu’ils ont une éducation duelle : islamiste et professionnelle. Ils ont maintenant une éducation universitaire juridique ou une autre éducation professionnelle car on ne peut pas vivre en tant qu’imam. Les leaders de la communauté musulmane en Angleterre sont toujours des professionnels, des commerçants sans formation. Mais je crois que c’est une question en développement. Qui est perceptible avec l’augmentation du nombre d’étudiants qui suivent une formation en arabe. Il y a une faiblesse de ces communautés en Angleterre – qui n’existe pas en France – c’est que les musulmans ne sont pas arabes et ne connaissent pas l’arabe. Le débat islamique mondial et surtout arabe est filtré par les traductions en anglais. En France, parce qu’on parle arabe on a un accès libre a tout le débat arabe.
Les médias. Après le 11 septembre, il y avait des journaux dont on attendait des opinions très anti-islamiques, comme The Sun qui a une tradition raciste, contre les minorités. Il a adopté une politique étrangère très agressive mais en disant que cela n’a pas de relation avec « nos musulmans ».
La contradiction apparente entre la politique intérieure et extérieure, l’Angleterre comme pays de refuge pour les activités politiques et son alignement sur les Etats-Unis contre le terrorisme. Je crois que la base de la politique britannique était un peu naïve mais a toujours reposé sur le fait que « l’on peut dire ce que l’on veut ». C’est toujours une décision difficile d’arrêter quelqu’un préventivement. Des organisations musulmanes, par exemple le Hizb al-Tahrir font énormément de bruit, ils ont de nombreux activistes et pas seulement eux. De jeunes anglais, membres du Hizb al-Tahrir ont été arrêtés en Egypte car ce parti y est interdit mais les pouvoirs consulaires défendent activement leurs droits car ils sont citoyens britanniques. Ce sont les actions qui sont interdites, et des mesures sont prises contre ces actions mais pas contre l’organisation. Il y a en Angleterre une tradition extrêmement libérale pour les organisations politiques. On a l’expérience de trente ou quarante ans de lutte de l’IRA républicaine irlandaise. On a interdit l’armée républicaine irlandaise à cause de ces actions mais pas le Sinn Fein, sa vitrine politique.

[1] L’une des principales tendances « réformistes » de l’Islam indien, après la prise de pouvoir britannique en 1858.

mardi 11 décembre 2007

Le grand oubli de SARKOZY, le droit d’expression des étrangers.











Le grand oubli de SARKOZY, le droit d’expression des étrangers.



Alors qu’ils vivent depuis longtemps en France, les étrangers ne se voient reconnaître aucun droit politique. Pourtant ils participent activement à la vie économique et sociale de ce pays (les impôts, leurs consommations, travail etc.). Ils exercent des emplois ingrats et sous payés, et encore pour ceux qui ont la chance d’en avoir un.


On sait que nombre d’entre eux ne retourneront jamais chez eux, du fait de leur ancienneté en France, des problèmes politiques et des guerres civiles, des dictatures qui règnent dans leurs pays d’origine.
Les immigrés sont ici par le fait que leurs pays sont spoliés par les puissances de l’argent qui volent les richesses pétrolières, mines d’or et argent, foret et autres. Ces états s’appauvrissent et poussent à la famine des millions d’êtres humains. Ils sont ici parce que la France est le pays des libertés, de la démocratie et des droits de l’homme, mais hélas les mêmes forces de l’argent prennent le dessus ici.

Il nous semble important que les étrangers puissent participer aux élections municipales. Certaines communes comme Saint Denis et Stains (Communistes il est vrai) ont organisé des référendums locaux pour le droit de vote des étrangers, ceux-ci ont reçu une approbation massive de la part des populations des communes concernées.
Les étrangers doivent être acteur de la vie politique et non spectateur, ils devraient pouvoir accéder à un mandat local.


TOUS AUX URNES


VOTEZ BIEN POUR LES LISTES QUI SE SONT ENGAGEES EN FAVEUR DU DROIT DE VOTE DES ETRANGERS

mardi 13 novembre 2007

Société Saint-Vincent-de-Paul















SOLIDARITE


Je suis membre de cette association depuis fin 2005, j’aime le contact humain avec les personnes âgées. Je rends visite régulièrement à deux personnes pendant la semaine. C’est important de partager son temps et être solidaire avec nos aînées.
Nous sommes une dizaine de personnes sur Malakoff, les réunions ont lieu une fois par mois pour faire le point.


L’association organise un repas en fin d’année, tout le monde est invité à participer à cette rencontre. C’est bien d’avoir des échanges avec des personnes athées ou d’autres confessions et de partager un moment chaleureux ensemble.


La Société Saint-Vincent-de-Paul aide d’autres pays comme le Madagascar etc.
Actuellement l’association va aider un enfant qui a eu un accident et il a perdu son genou, il est dans une école de mal entendant en Inde, le but est avoir une prothèse de bonne qualité pour marcher et s’asseoir.


Malakoff Diversité Démocrate informera des initiatives et d’autres manifestations des associations caritatives pour que les citoyens puissent participer à des actions de solidarité.



Georges ADICEAM

vendredi 26 octobre 2007

Elections législatives en Grande Bretagne


Il s’appelle Shahid, elle s’appelle Sayeeda. Il est musulman ; elle aussi. Elle est issue d’une famille d’origine pakistanaise ; lui aussi. Ils sont ambitieux, brillants, passionnés de politique.

Lundi 12 Septembre 2007

Le 5 mai, lors des élections législatives, l’un des deux deviendra, presque à coup sûr, député de la circonscription de Dewsbury, petite ville du West Yorkshire.

Shahid Malik (g) et Sayeeda Warsi (d).
à un quart d’heure de train de Leeds, dans le centre de l’Angleterre. Leur rivalité a quelque chose d’emblématique. Shahid Malik, 37 ans, homme d’appareil et de terrain, a fait ses classes au sein du Parti travailliste. Il est un pur produit du "New" Labour de Tony Blair. Sayeeda Warsi, 33 ans, avocate, porte pour sa part les couleurs du Parti conservateur. Mieux : elle est la première musulmane candidate à la Chambre des communes dans la longue histoire des tories. A Dewsbury, ancienne cité textile comme tant d’autres villes au cœur de l’Angleterre, près d’un électeur sur quatre est musulman. Dans les années 1950 et 1960, les patrons des filatures, en quête de main-d’œuvre étrangère, recrutèrent leurs ouvriers, au moyen de petites annonces, en Inde et surtout au Pakistan. La plupart de ces Asiatiques étaient musulmans. Ils ont travaillé dur, à la chaîne, loin de leur village natal. Certains y sont repartis. La grande majorité est restée. Shahid et Sayeeda sont les héritiers de cet exil.

L’histoire industrielle et humaine de Dewsbury s’inscrit dans son paysage. Les carcasses d’usine rappellent l’activité d’antan. Les familles asiatiques les moins fortunées vivent encore dans les petites maisons de brique occupées avant elles par d’autres immigrants, irlandais, polonais ou italiens. Alentour, on trouve des restaurants halal et des magasins de saris. Tout le monde se croise dans la petite gare victorienne. Non loin de là, une tombe légendaire abrite le corps de Robin des bois.
Le fait que deux musulmans aient été choisis, pour la première fois, par les deux grands partis britanniques pour défendre les intérêts d’une population en grande majorité non musulmane est, en soi, un signe des temps. Surtout pour le Parti conservateur, traditionnellement mal implanté chez les minorités ethniques. La Grande-Bretagne compte 1,6 million de musulmans ­ - soit 2,8 % de la population du royaume ­ - dont 1,1 million d’électeurs, sous-représentés au Parlement. Le Labour a deux députés musulmans ; les tories, aucun.

Dewsbury offre, de longue date, un siège sûr aux travaillistes. La députée sortante, Ann Taylor, qui prend sa retraite, disposait d’une confortable majorité de 7 500 voix. L’entrée en scène de Sayeeda accentuera une dispersion du vote musulman entre travaillistes, conservateurs et libéraux-démocrates - ­ le troisième parti du pays. Mais pas assez, espère Shahid, le candidat travailliste, pour mettre un terme au règne du Labour.

Très en retard à notre rendez-vous, comme tout politicien en campagne apparemment débordé ­ - mais il s’excuse gentiment ­-, Shahid Malik prend ensuite tout son temps pour expliquer son combat. Vêtu d’un élégant costume gris, il cultive les atouts du candidat moderne : pédagogue, attentif à son image. "Ecouter Dewsbury" , proclame son slogan. Une guirlande de photos de lui orne les quatre pages de sa profession de foi. Sur l’un de ces clichés, il apparaît avec le ministre des finances, Gordon Brown ; sur un autre, au côté du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Shahid est un fonceur. Né à Burnley, autre ville ouvrière, dans une famille très pauvre, il a suivi l’exemple de son père, devenu, à force de volonté d’apprendre, proviseur d’un lycée. Pour financer ses études universitaires ­ - section"business" ­ - à Londres et à Durham, il enchaîne de longues journées d’usine et fait la plonge dans les restaurants. L’arrivée du Labour au pouvoir, en 1997, lui permet de mener une carrière administrative éclectique. Il s’occupe tour à tour d’éducation, d’apprentissage, de rénovation urbaine, et même de l’Irlande du Nord, où il conseille pendant trois ans et demi la ministre chargée de la province.

En 2000, lors des émeutes raciales de Burnley, on lui demande d’être médiateur entre la foule et les forces de l’ordre. Pris dans une échauffourée, il est violemment frappé par la police, qui lui présentera des excuses officielles. Il en garde une cicatrice au front. Membre de la Commission pour l’égalité raciale, il représente aujourd’hui les minorités ethniques au sein d’un prestigieux comité de politique économique mis en place par Gordon Brown.
Shahid Malik veut "moderniser" la politique, et d’abord chez les siens, au risque de bousculer les vieilles habitudes héritées du lointain Pakistan. Il fustige le clanisme, l’incompétence, le manque de professionnalisme des représentants de sa communauté. "Trop d’élus locaux, observe-t-il, ne parlent pas assez bien l’anglais. Comment voulez-vous qu’ils défendent efficacement leurs électeurs, et qu’ils communiquent bien avec le reste de la population ?"

Shahid rêve d’un personnel politique rajeuni, compétent et ouvert : "Les musulmans vivent une vie parallèle à celle de la majorité des habitants. Il n’y a pas de liens entre ces deux communautés. Les élus sont trop vieux. Savez-vous qu’en Grande-Bretagne, la moyenne d’âge d’un élu local est de 59 ans ?" Il déplore l’apathie citoyenne, l’indifférence des jeunes envers la vie publique, le cynisme de certains médias. Toutes choses dont la classe politique est, juge-t-il, collectivement responsable. Ce scrupule rénovateur ne tourmente pas son adversaire, Sayeeda Warsi. "Je suis une conservatrice par nature" , dit-elle fièrement. Du moins en politique, et pour ce qui concerne sa morale personnelle. Pour le reste, elle a tout d’une jeune femme à la page, bien dans sa peau et sans souci d’argent. Au volant de sa BMW, elle répond brièvement aux appels qui font tinter son portable. Arrivée chez elle, elle pose son minisac à main de cuir mordoré, enlève sa casquette très mode, ôte négligemment ses talons hauts et monte à l’étage, pieds nus, chercher un comprimé contre la migraine : "Faire une campagne électorale, c’est amusant et épuisant. C’est comme attendre un enfant, lorsqu’au bout de huit mois, on se dit : pourvu que cela finisse !"
Avocate formée à Leeds et à York, engagée tôt en politique comme responsable étudiante, Sayeeda débite ses phrases à la vitesse d’une mitraillette. L’archaïsme de ses vues contraste avec la modernité de sa vie quotidienne. Elle montre une photo qui la représente avec son mari au Cachemire, avant de défendre le principe des "mariages arrangés" ­ - comme le sien -, ­ pratique encore courante dans sa communauté. "On fait beaucoup trop de cas, dit-elle, du coup de foudre, du choc amoureux reçu dans une boîte de nuit ou ailleurs. Il y a tant de mauvais choix, tant de divorces. Les parents, eux, connaissent leur enfant et savent trouver le partenaire qui lui convient."

Le sien, aujourd’hui homme d’affaires, Sayeeda l’a épousé à 19 ans, quatre ans après avoir fait sa connaissance. "Certains mariages arrangés sont d’horribles échecs, convient-elle, mais pas plus souvent que les autres. Tout est d’affaire d’individus. L’essentiel est d’avoir le choix et je l’ai eu. Ce qui m’importe, c’est de vivre avec quelqu’un qui partage ma foi." L’idée d’épouser un non-musulman ne l’a jamais effleurée. Sayeeda condamne pourtant les "mariages forcés" , une pratique sur laquelle elle a mené des recherches juridiques au Pakistan, et qui, à l’entendre, n’ont rien à voir avec les mariages "arrangés". Dans un pays où, selon une récente enquête du quotidien The Guardian, quatre membres des minorités ethniques sur dix ne se sentent pas "pleinement britanniques" , Shahid Malik et Sayeeda Warsi vantent, tous deux, leur identité britannique, voire anglaise. "Nous devons, souligne Shahid, nous réapproprier notre ’britannité’. Plus jeune, lors des matchs de rugby ou de cricket, je soutenais toujours les équipes adverses. Maintenant je suis à fond pour l’Angleterre."
Le 23 avril, pour célébrer la Saint-George, fête nationale anglaise, Sayeeda avait revêtu un sari aux couleurs de l’Union Jack, le drapeau britannique.

Shahid et Sayeeda ne font guère assaut d’amabilité mutuelle. Lui : "C’est une opportuniste qui s’est ralliée tardivement aux conservateurs." Elle : "C’est un hypocrite ! Il pratique le clanisme qu’il dénonce." Et la jeune femme d’ajouter, faussement surprise : "Mais pourquoi parle-t-il tant de moi ? Je préférerais qu’on débatte des vrais problèmes d’ici : le mauvais état de l’hôpital, la vie difficile des retraités, la menace de fermeture du poste de police. Je suis une fille de Dewsbury, moi. Je me soucie de l’avenir de ma ville." L’Irak les rapproche. Tous deux étaient, à titre personnel, contre la guerre, soutenue par leurs partis, et ils l’ont dit clairement. Sayeeda l’avait déclarée illégale. Elle n’a donc aucun mal à défendre la nouvelle ligne des conservateurs, qui estiment avoir été trompés : "Tony Blair nous a menti." "C’est un peu fort, rétorque Shahid. En mars 2003, seuls 15 députés tories ont voté contre la guerre !"

A cause de ce conflit, le Labour a perdu nombre de conseillers lors des élections locales de 2004, au profit des Libéraux démocrates, le seul parti antiguerre. A Dewsbury, le candidat"libdem" , Kingsley Hill, 66 ans, enseignant retraité, espère en tirer bénéfice. "Nous aurons plus de 25 % des suffrages" , assure-t-il. Shahid et Sayeeda s’opposent, bien sûr, à propos de l’immigration, thème qui a dominé la campagne. Favorable à une "immigration raisonnable" , Shahid dénonce "le jeu dangereux" des conservateurs qui, en jouant sur les peurs et les réflexes xénophobes, "risque d’attiser les tensions raciales" . Il défend le "système à points" des travaillistes, qui permet d’adapter les flux d’immigrants aux besoins de l’économie.

En bonne conservatrice, Sayeeda peste contre les ravages du "politiquement correct" : "C’est tout juste si on peut encore parler d’un tableau ’noir’, sans offenser personne, ou critiquer les abus du droit d’asile." Conseillère pour les questions raciales de Michael Howard, le chef des tories, elle dénonce le caractère "diabolique" d’un système qui fait attendre plusieurs années les demandeurs d’asile avant de statuer sur leur sort. L’immigration, c’est le cheval de bataille de David Exley, 41 ans, candidat du British National Party (BNP), la formation d’extrême droite dont tous ses rivaux craignent une percée le 5 mai. Electricien de profession, élu conseiller local en 2004, il habite un petit pavillon en quartier ouvrier "blanc" . Dans le salon où s’entassent les paquets de tracts, des amis l’aident à coller les étiquettes des adresses postales. "Le BNP, souligne-t-il, a déjà gagné en obligeant les autres partis à mettre l’immigration au centre de leurs débats. Nous, les chrétiens blancs, nous sommes traités en citoyens de seconde zone. Les politiciens locaux nous ont laissé tomber."
Sur l’immigration, le programme du BNP est aussi simpliste qu’illusoire : fermer les portes du royaume à tout nouvel arrivant, refuser tout demandeur d’asile. En quête de respectabilité, le BNP évite les provocations. "Nous ne faisons pas de porte-à-porte dans les quartiers asiatiques" , explique David Exley. Les tracts demandent pêle-mêle la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, le retour des troupes d’Irak, la fin de "la promotion de l’homosexualité à l’école" .

"Les sympathisants du BNP sont rarement des racistes, assure Margaret Watson, journaliste au Dewsbury Reporter, l’hebdomadaire local. Mais ils sont amers, désorientés. Ils se sentent délaissés. Ils veulent marquer le coup, ils veulent qu’on les écoute." Mme Watson est l’âme du Dewsbury Reporter ; elle y a fait toute sa carrière. Appréciée et respectée de tous, elle œuvre au rapprochement entre les communautés. Mais, admet-elle, c’est une entreprise sans fin. "Accepter la culture de l’autre n’est pas facile, ajoute-t-elle. Beaucoup d’Asiatiques ne parlent jamais l’anglais entre eux. La séparation entre les sexes, l’absence de mariages mixtes et les interdits alimentaires liés à l’islam compliquent les contacts personnels et familiaux entre communautés".

C’est un constat que Shahid Malik ne renie pas : "Les électeurs blancs, tentés par le BNP, se croient mal aimés. Il faut se rapprocher d’eux sans leur faire de fausses promesses. Il faut leur donner de l’affection."