dimanche 21 septembre 2008

"Plus civilisé", "réactionnaire", "pas très démocratique" : regards sur le Sénat

A chaque renouvellement sénatorial se pose la question de la légitimité du Sénat et de son mode d'élection, qui valorise la France conservatrice et rurale. Interrogées par Le Monde, vendredi 19 septembre, cinq personnalités donnent leur vision du Sénat.

Axel Kahn, généticien.

Le Sénat a plus de prudence sur des sujets importants, des choix de société. Il sait résister aux emballements médiatiques. Sur la question des tests ADN, il s'est comporté de façon plus civilisée que l'Assemblée nationale. Il n'est pas soumis à la pression de l'opinion publique

J'ai bien conscience que le mode de désignation du Sénat n'est pas démocratique et le rend par essence conservateur. Mais si cette institution venait à disparaître, il faudrait que l'on crée un organisme qui, face à une grande émotion dans l'opinion, incite à prendre du recul.

Jean-Pierre Vincent, homme de théâtre. A mis en scène Le Silence des communistes (Nanterre-Amandiers).

C'est toujours bien d'avoir deux Assemblées, parce que l'erreur est humaine. Ma vie serait différente si le Sénat n'existait pas. Je ne serais pas dans le même pays, la même démocratie. S'il y a une surreprésentation du monde rural au Sénat, il faut la corriger. Cela dit, il n'est pas mauvais parfois qu'un monde finissant soit surreprésenté par rapport à un monde commençant qui fait tant de bêtises... L'élection des sénateurs est un autre mode de traversée de la société, qui fait surgir une certaine vérité de la France. Si notre pays était de gauche, cela se saurait. Mitterrand, homme de gauche venant de la droite, illustrait bien cette complexité.

Claire Rodier, directrice du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti).

Le Sénat est une institution réactionnaire, avec un système de renouvellement relativement verrouillé. Sur le regroupement familial, les sénateurs de droite ont toujours été proches de nos convictions, mais pour des motifs différents. Lorsque le gouvernement a voulu revoir le calcul des ressources pour permettre à un ressortissant étranger de faire venir sa famille, ils se sont opposés au texte, car ils considéraient qu'en France la loi exigeait moins de conditions pour allouer des aides. Il y avait pour eux une inconstitutionnalité en raison du principe d'égalité. En tant qu'association, il faut être pragmatique et travailler avec les partenaires que l'on a à disposition.

Fayçal Douhane, membre du conseil national du PS et du club de réflexion sur la diversité Averroes.

Le Sénat accomplit un véritable travail de fond. Il a une certaine sérénité qui s'explique par un rapport différent au temps. Les sénateurs sont davantage garants de l'intérêt général. Le Sénat sait s'opposer, et l'a démontré à deux reprises : lors du débat sur les tests ADN, où il a "retoqué" le texte initial, et lors de la tentative récente de modifier l'article 55 de la loi SRU (relatif au calcul des 20 % de logements sociaux).

Il est vrai que sa représentativité offre une vision monolithique. On assiste clairement à une minoration de la France urbaine. On peut toutefois noter que les deux premières parlementaires issues de l'immigration sont au Sénat (Alima Boumedienne et Bariza Khiari). Paradoxalement, l'image conservatrice que portent les sénateurs les oblige à être plus enclins à la diversité et à la féminisation.

Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU).

Le mode d'élection n'est pas très démocratique. Cela m'interpelle en tant que citoyen. Je ne peux pas dire que le Sénat soit nécessairement plus sage que l'Assemblée. Selon les textes, l'une ou l'autre institution joue un rôle de contrepoids. Le bicamérisme permet une forme d'équilibre. Je ne vis pas le Sénat comme une institution vieille. Il y a des sénateurs jeunes et des députés vieux. Selon les sujets, le Sénat n'a pas nécessairement le mauvais rôle.

D'après un article du monde

samedi 13 septembre 2008

La parité ethnique serait un échec de l’intégration



La parité ethnique serait un échec de l’intégration
Les Noirs de France dans l’action politique

Le club Africagora organise samedi 1er juin au Sénat, à Paris, un colloque sur " Les Noirs de France dans l’action politique " dans le cadre des élections législatives 2002. Une cinquantaine d’élus et de responsables politiques noirs sont attendus pour cette journée de débat. Interview de Dogad Dogoui, président d’Africagora.

Le Sénat accueille samedi 1er juin à Paris le club Africagora pour son colloque sur " Les Noirs de France dans l’action politique ". A l’heure des élections législatives, une cinquantaine d’élus et de responsables politiques noirs sont invités aux débats. S’il existe plusieurs communautés noires dans l’hexagone, Dogad Dogoui, président d’Africagora, estime qu’il est du devoir de chacun d’oeuvrer pour la cause. Très critique quant à une éventuelle parité ethnique, il juge que l’institutionnalisation de la mixité serait un échec de l’intégration en France.

Afrik : Avec la diversité des Noirs en France, peut-on parler d’une véritable communauté ?
Dogad Dogoui : Nous préférons parler de communautés noires, au pluriel. Il existe des similarités d’organisation, de valeurs et de lien social dans toutes les cultures d’origine africaine. Les Africains de la Caraïbe, eux aussi, ont conservé des éléments de la culture africaine de leurs ancêtres. En France, tous les Noirs ont en commun la culture africaine.

Afrik : Ce qui lie les communautés noires ne serait-il pas uniquement le rejet de leurs membres par la simple couleur de leur peau ? La communauté noire dans son ensemble n’est-elle pas une communauté de circonstance ?
Dogad Dogoui : Il est vrai que les combats pour la reconnaissance de nos cultures, de nos identités et de nos spécificités au sein de la république permettent de se retrouver dans un même bateau. Non, les communautés noires ne sont pas des communautés de circonstances. Même si chaque composante de ces communautés a son approche de la place des Noirs dans la société.

Afrik : Que signifie militer pour la cause noire ?
Dogad Dogoui : Africagora s’est engagé à oeuvrer auprès des décideurs politiques, économiques et des centres d’influence de notre pays pour promouvoir les compétences originaires d’Afrique noire, de la Caraïbe et de l’Océan Indien. Notre objectif est de faire avancer la mixité de la nation et de la république française : permettre à tous les Noirs qui en ont la capacité et les compétences d’assumer leur place entière dans les rouages de l’Etat.

Afrik : Dans quelle mesure un Noir peut-il défendre la cause des Noirs dans un parti politique ?
Dogad Dogoui : S’il n’oublie pas qu’il est représentant des communautés noires, composantes des minorités visibles dans ce pays, un militant ou un responsable noir dans un parti politique peut "négocier" une meilleure place pour ses semblables au sein de sa formation et s’investir dans les commissions de travail et les prises de positions de son parti, en faveur de l’ascension sociale des Noirs de France.

Afrik : Que pensez-vous des Noirs présents dans les partis d’extrême droite ?
Dogad Dogoui : Comme tous les citoyens, ils ont la liberté de penser et de s’engager dans un débat démocratique. Cependant, les valeurs de la république ne nous semblent pas être véhiculées par les partis d’extrême droite. Les Noirs qui militent à l’extrême droite se mettent hors du jeu de notre cause et de notre combat pour une reconnaissance de nos communautés.

Afrik : Pensez-vous qu’une personne de couleur occupant de hautes fonctions se doit forcément d’aider la communauté ?
Dogad Dogoui : De quelle couleur parlez-vous ? blanche, noire, jaune ? Si vous faites allusion aux non-Blancs ou aux minorités visibles, je pense que nos élites doivent s’engager et aider les communautés dont elles sont issues. Exactement comme le font les élites issues de toutes les communautés en France : Bretons, Aveyronnais, Corses, Berrichons, Musulmans, Juifs, Asiatiques, Arabes, Enarques, Normaliens, ...

Afrik : Que pensez-vous de la parité ethnique ?
Dogad Dogoui : Comme la parité sexuelle, son avènement au sein de la république française traduirait l’échec de l’intégration en France. Mieux, la parité ethnique officialiserait le manque d’une véritable politique d’intégration adaptée aux derniers flux des migrations : communautés noires d’Afrique et d’outremer, Maghrébins, Asiatiques. Cependant, par leur blocage de l’ascension sociale, de l’intégration économique, politique et culturelle des minorités visibles, et par leur refus obstiné de faire place à toutes les diversité et mixités (femmes, jeunes, non-Blancs, société civiles) via des actes concrets, les partis politiques et les élus de la Nation porteraient une lourde responsabilité à l’émergence de partis politiques communautaires. Il y a urgence à devancer l’inéluctable mixité de la nation et à l’appliquer dans l’Etat

D'après le site Afrik.com