A chaque renouvellement sénatorial se pose la question de la légitimité du Sénat et de son mode d'élection, qui valorise la France conservatrice et rurale. Interrogées par Le Monde, vendredi 19 septembre, cinq personnalités donnent leur vision du Sénat.
Axel Kahn, généticien.
Le Sénat a plus de prudence sur des sujets importants, des choix de société. Il sait résister aux emballements médiatiques. Sur la question des tests ADN, il s'est comporté de façon plus civilisée que l'Assemblée nationale. Il n'est pas soumis à la pression de l'opinion publique
J'ai bien conscience que le mode de désignation du Sénat n'est pas démocratique et le rend par essence conservateur. Mais si cette institution venait à disparaître, il faudrait que l'on crée un organisme qui, face à une grande émotion dans l'opinion, incite à prendre du recul.
Jean-Pierre Vincent, homme de théâtre. A mis en scène Le Silence des communistes (Nanterre-Amandiers).
C'est toujours bien d'avoir deux Assemblées, parce que l'erreur est humaine. Ma vie serait différente si le Sénat n'existait pas. Je ne serais pas dans le même pays, la même démocratie. S'il y a une surreprésentation du monde rural au Sénat, il faut la corriger. Cela dit, il n'est pas mauvais parfois qu'un monde finissant soit surreprésenté par rapport à un monde commençant qui fait tant de bêtises... L'élection des sénateurs est un autre mode de traversée de la société, qui fait surgir une certaine vérité de la France. Si notre pays était de gauche, cela se saurait. Mitterrand, homme de gauche venant de la droite, illustrait bien cette complexité.
Claire Rodier, directrice du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti).
Le Sénat est une institution réactionnaire, avec un système de renouvellement relativement verrouillé. Sur le regroupement familial, les sénateurs de droite ont toujours été proches de nos convictions, mais pour des motifs différents. Lorsque le gouvernement a voulu revoir le calcul des ressources pour permettre à un ressortissant étranger de faire venir sa famille, ils se sont opposés au texte, car ils considéraient qu'en France la loi exigeait moins de conditions pour allouer des aides. Il y avait pour eux une inconstitutionnalité en raison du principe d'égalité. En tant qu'association, il faut être pragmatique et travailler avec les partenaires que l'on a à disposition.
Fayçal Douhane, membre du conseil national du PS et du club de réflexion sur la diversité Averroes.
Le Sénat accomplit un véritable travail de fond. Il a une certaine sérénité qui s'explique par un rapport différent au temps. Les sénateurs sont davantage garants de l'intérêt général. Le Sénat sait s'opposer, et l'a démontré à deux reprises : lors du débat sur les tests ADN, où il a "retoqué" le texte initial, et lors de la tentative récente de modifier l'article 55 de la loi SRU (relatif au calcul des 20 % de logements sociaux).
Il est vrai que sa représentativité offre une vision monolithique. On assiste clairement à une minoration de la France urbaine. On peut toutefois noter que les deux premières parlementaires issues de l'immigration sont au Sénat (Alima Boumedienne et Bariza Khiari). Paradoxalement, l'image conservatrice que portent les sénateurs les oblige à être plus enclins à la diversité et à la féminisation.
Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU).
Le mode d'élection n'est pas très démocratique. Cela m'interpelle en tant que citoyen. Je ne peux pas dire que le Sénat soit nécessairement plus sage que l'Assemblée. Selon les textes, l'une ou l'autre institution joue un rôle de contrepoids. Le bicamérisme permet une forme d'équilibre. Je ne vis pas le Sénat comme une institution vieille. Il y a des sénateurs jeunes et des députés vieux. Selon les sujets, le Sénat n'a pas nécessairement le mauvais rôle.
D'après un article du monde
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