samedi 26 avril 2008

Yolande James, ministre : « Changer les choses, ça peut se faire en politique »



Elle commence souvent sa journée à 5h 30 du matin pour s’entraîner au gymnase, situé au 3e étage de l’Assemblée nationale du Québec et dont peu de députés profitent. Son nom? Yolande James, ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec et première femme noire à occuper un poste ministériel dans une société qui découvre de plus en plus sa diversité. Rencontre avec une personne au parcours entraînant.

« Je suis une fille qui aime le sport et je suis donc très active. Je voulais courir mon premier marathon avant l’âge de 30 ans! » s’exclame la jeune femme née le 21 novembre 1977. Contrairement à plusieurs d’entre nous cependant, atteindre la trentaine ne l’a pas effrayée. « C’est sûr que, plus jeune, je me disais : “trente ans, c’est loin”. Mais je me dis qu’avec tout ce que j’ai pu vivre jusqu’ici, je suis chanceuse de vivre ma vie pleinement, d’être en santé et d’être entourée de gens que j’aime bien et qui m’aiment bien - j’espère! lance-t-elle en riant. Je souhaite être capable de continuer en ce sens », poursuit-elle.

Yolande James cumule les records depuis son entrée en politique à l’âge de 26 ans. Le 20 septembre 2004, elle remporte les élections partielles dans la circonscription de Nelligan et devient la première femme noire à siéger à l’Assemblée nationale du Québec.

Nommée ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles par Jean Charest en avril 2007, elle devient aussi la plus jeune députée à entrer au Conseil des ministres. Si son jeune âge fait peur à certains, ceux qui la côtoient affirment qu’elle possède toutes les qualités pour contribuer à l’évolution de la société québécoise. De son propre aveu, elle se trouve, dit-elle, « à ma place, au bon moment ».

Née à Montréal dans une famille antillaise, Yolande James a grandi, avec sa sœur Francine, dans la ville de Pierrefonds, à l’ouest de la métropole. Son père, originaire de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, est arrivé au Québec dans les années 60 pour étudier à l’Université Concordia, alors connue sous le nom de Sir George Williams. Sa mère, originaire de Saint-Vincent, est aussi venue au Québec pour étudier à l’Université McGill.

Lorsqu’ils ont eu leurs deux filles, le couple James a tout de suite voulu leur permettre de bien s’adapter afin de pouvoir évoluer le mieux possible au sein de la société québécoise. Ils leur ont donné des prénoms français et ils les ont inscrites dans une école primaire francophone.

« Mes parents ont travaillé fort pour que je reçoive l’éducation que j’ai eue », se rappelle la jeune ministre. Yolande James est d’ailleurs la seule ministre anglophone dans le cabinet actuel de Jean Charest. Comme elle s’exprime dans un français impeccable, elle se montre reconnaissante envers ses parents de l’avoir motivée dans sa carrière et de lui avoir permis de baigner dans une atmosphère francophone. Étudiante en droit à l’Université de Montréal, elle y décrochera un baccalauréat en droit civil.

« Je n’ai jamais eu à me poser la question si c’était possible de réaliser telle ou telle chose, et c’est seulement en vieillissant que j’ai vu que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Je me suis rendu compte que, dans ma jeunesse, j’avais heureusement vécu quelque chose de particulier grâce à mes parents ».

L’importance de s’engager activement en politique

Ce n’est pas par pure coïncidence que Yolande James a fait son entrée en politique. Elle avait alors 17 ans. « J’ai tout de suite senti que c’était un geste important, même si je n’avais pas compris l’ampleur de ma décision. Évidemment, à cet âge, je n’avais aucune expérience politique, mais j’avais suffisamment confiance en moi pour croire que je pourrais apporter une contribution positive au Parti libéral ».

Un an plus tard, elle milite pour le NON dans la campagne référendaire de 1995. « J’allais avoir 18 ans, le 21 novembre 1995, et le référendum allait avoir lieu le 30 octobre 1995. À ce moment-là, tous les Québécois, jeunes et moins jeunes, étaient conscients qu’une décision importante allait se prendre, mais je ne pouvais pas y participer parce que je n’avais pas l’âge pour voter. J’ai vu à ce moment-là l’importance de s’intéresser et de s’engager activement en politique ».

Yolande James poursuit ses études parallèlement à ses activités politiques et, 3 ans après l’obtention de son diplôme en droit de l’Université de Montréal, elle obtient son baccalauréat en Common Law de l’Université Queen’s. En 2004, elle est admise au barreau et elle est élue députée. Ouf ! Tout un marathon.

Son engagement au sein de l’association du Parti libéral du Québec lui aura été utile. Attachée politique de Russell Williams, député de Nelligan, de 1998 à 2003, elle cumule, parallèlement à ses fonctions, le poste de vice-présidente jeune de l’Association libérale du comté.

Deux projets lui tiennent à cœur : l’accessibilité à l’éducation et l’assistance aux communautés noires du Québec. Sensibilisée aux préoccupations sociales des citoyens alors qu’elle était stagiaire en droit au ministère de la Santé et des Services sociaux jusqu’à son élection en 2004, elle se montre particulièrement attentive à la place qu’occupe l’éducation dans le bien-être des gens.

« Chaque personne qui veut suivre un parcours d’éducation doit y avoir accès, affirme-t-elle. Quand on y pense, l’éducation, c’est la base de l’avenir. »

C’est pour cette raison qu’elle a collaboré au développement d’un programme d’études pour les étudiants en difficulté dans l’ouest de l’Île de Montréal.

« Je m’engage aussi à répondre aux besoins de notre population en collaborant à un nouveau projet d’école primaire dans l’arrondissement de Pierrefonds-Senneville », précise-t-elle.

Depuis son arrivée au poste de ministre, elle a aussi aidé l’école Margaret-Masson à se doter d’une nouvelle cour d’école. « Je m’engage envers notre communauté pour que les jeunes de Nelligan, ma circonscription, aient tous les services éducationnels nécessaires dont ils ont besoin pour grandir et se développer ».

Une autre activité qui lui tient beaucoup à cœur, et qui a pris une envergure internationale, est l’organisation du Mois de l’histoire des Noirs, activité dans laquelle elle s’est engagée à l’Université de Montréal.
« La célébration du Mois de l’histoire des Noirs a commencé à différents moments dans les provinces canadiennes. On a adopté au Québec un projet de loi en février 2007 pour faire reconnaître le Mois de l’histoire des Noirs, et ce, pour plusieurs raisons. C’est important de comprendre que ce n’est pas pour les Noirs seulement que l’on souligne chaque année en février leur histoire, mais pour tout le monde. C’est un moyen de permettre aux Québécois de toutes origines de découvrir la contribution qu’ont apportée plusieurs personnalités noires à l’évolution de la société québécoise. Et moi-même j’en apprends encore. Alors cela nous permet justement de connaître la richesse de différents peuples qui font partie de notre nation ».

Fortement préoccupée par la situation économique des communautés noires du Québec, Yolande James a annoncé, en juin 2007, une aide financière totalisant 2,7 millions de dollars sur 3 ans pour favoriser l’entrepreneuriat au sein de ces groupes.

« Je veux que les gens voient avant tout, oui, une jeune femme noire, mais surtout une personne qui est capable de bien remplir son mandat. »

Lorsque je lui demande ce que signifie pour elle d’être devenue la première ministre de race noire de l’histoire du Québec, elle me répond que « C’est Jean Charest qui devrait passer à l’histoire pour avoir fait cela ».

Je ne peux m’empêcher de lui demander aussi ce que signifie, d’après elle, sa nomination aux yeux de la population.

« Je pense qu’on veut avoir un gouvernement qui soit représentatif de la société, alors ce sont des gestes qui sont importants et qui, je pense, changent les choses aussi. C’est un peu un rêve que je réalise de voir que, la prochaine fois qu’une personne noire sera nommée au Conseil des ministres, ce ne sera pas un geste historique, mais une situation normale. Ce qui prouvera que la société a bel et bien changé. Je suis contente d’avoir permis cela », me déclare-t-elle.

Yolande James est à la fois témoin et actrice de l’évolution de la société québécoise. « Le Québec vit les mêmes questionnements que d’autres sociétés occidentales, précise-t-elle. Ce n’est pas un débat qui se fait uniquement ici. »

Elle se montre confiante vis-à-vis de l’avenir et rassurée par les réactions du public quant à sa nomination.

« Beaucoup de gens que j’ai rencontrés m’ont dit qu’ils étaient contents de voir une jeune femme noire en politique. Étant jeune, j’ai de nouvelles idées et de nouvelles façons d’aborder les problèmes. »

Si elle s’est engagée au sein de PLQ, c’est aussi parce qu’elle partageait les valeurs de grandes figures politiques. Elle se rappelle avoir rencontré Nelson Mandela lors de son passage à Montréal en 1991. « J’ai rencontré Nelson Mandela et ça m’a marquée de voir un homme qui est resté près de 30 ans en prison parce qu’il luttait contre l’apartheid. Ce sont des moments qui changent une personne : tu vois des gens qui se donnent, et tu te dis à quel point c’est important, car plus on donne, plus on reçoit. »
Elle a admiré Robert Bourassa, qui a eu le courage, d’après elle, de faire adopter la Charte québécoise des droits et libertés en 1975, ainsi que Jean Charest « qui a repris le leadership qui revient au Québec dans la fédération canadienne ».

Sur un plan professionnel, elle garde d’excellents souvenirs de l’ancien député de Nelligan, Russell Williams, qui l’a initiée au monde politique. « C’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience, et j’ai vu avec lui qu’on a la chance de travailler sur des projets qui nous tiennent à cœur et qui peuvent vraiment faire changer les choses au niveau de la population. Je constate qu’on travaille vraiment en équipe avec les gens sur différents projets. J’aime tout ce qui me permet d’être avec le monde, donc mon travail me convient sur ce point. Toutes les activités en groupe, qu’elles soient culturelles ou autres, ça me fait énormément de bien ».

« Changer les choses ou contribuer à faire changer les choses, ça peut se faire en politique, et c’est pour atteindre cela que je travaille. »

Le Québec accueillera entre 46 700 et 49 000 immigrants en 2008. Ceci constitue la première phase d'un plan de trois ans qui portera ce nombre à 55 000 en 2010. Cette augmentation du nombre de nouveaux arrivants réjouit Yolande James qui croit en l’ouverture des Québécois.

« Chaque fois que je rentre au Parlement en tant que représentante des citoyens de Nelligan, c’est un privilège que je ne prends pas pour acquis ni à la légère. Je veux que les gens voient avant tout, oui, une jeune femme noire, mais surtout une personne qui est capable de bien remplir son mandat. Sans cela, ça n’a aucun sens ».

D'après un site canadien

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