Lorsqu’un titre se négocie à 20 centimes du dollar, il peut permettre à l’emprunteur sous-jacent de diviser sa dette par cinq - à condition qu’il puisse financer ce rachat. Ce type de refinancement aurait-il pu ou dû être assumé par l’Etat, pour un coût évidemment inférieur à celui de la garantie des créances ? Pour répondre, il convient de s’interroger sur la valeur de ces créances. Cette quasi-monnaie privée a été émise, via les mécanismes de l’effet de levier et de la titrisation, en quantité surnuméraire, sans rapport avec la valeur réelle des sous-jacents. Equivalent privé de la fausse monnaie, elle devrait donc logiquement être détruite. Pourtant, c’est le choix inverse qui a été fait. Pour préserver - contre toute vraisemblance et toute utilité économique - la valeur de cette quasi-monnaie dont personne ne veut à la valeur faciale - et pour cause - l’Etat émet de la monnaie souveraine en quantité tout autant surnuméraire et doit également s’endetter massivement, devant louvoyer entre les deux conséquences induites : un débasement potentiel de la monnaie accompagné d’une hausse des taux d’intérêts compromettant la reprise et étranglant encore plus les emprunteurs (dont lui-même), et la perspective d’une fiscalité écrasante dans les années qui viennent. Dans tous les cas, les créances privées improductives et trop nombreuses se transforment en charge publique, c’est à dire en appauvrissement collectif et en turbulences internationales.
En se refusant à solder un mauvais papier à sa valeur actuelle - ce qui est pourtant, notons le, une des règles de base du monde des affaires - l’Etat prend le parti de la créance contre celui de la collectivité nationale. Mais, objecterez-vous peut-être, les créanciers ne sont pas une abstraction. Les dettes des uns étant les créances des autres, la réduction de ces dernières aurait elle aussi un coût social, en particulier pour les retraités, les collectivités, ou tous ceux qui ont imprudemment confié leur patrimoine ou leur trésorerie à la finance structurée. Deux réponses. La première, c’est qu’il ne suffit pas de faire l’apologie du risque par temps calme. Il faut aussi savoir prendre ses responsabilités dans la tempête. La seconde, c’est que l’extrême inégalité dans la distribution des patrimoines permet aux plus fortunés de supporter la plus grande part des pertes. Et un éventuel soutien aux plus petits épargnants serait sans commune mesure avec la subvention indiscriminée de tous les mauvais titres en circulation. L’économiste Michael Hudson défend ici un point de vue semblable. Rappelant que les sociétés anciennes ont de tous temps pratiqué l’annulation des dettes, il préconise aujourd’hui cette solution, et considère que si elle n’a pas été choisie c’est en raison de l’influence que Wall Street a acquise à Washington. Qualifiant la finance de parasite du système économique productif, il affirme que le choix à effectuer s’énonce ainsi : sauver l’économie ou sauver le parasite.
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