jeudi 29 janvier 2009

Quand la CGT embrasse la cause des sans-papiers

Non sans débats internes, le syndicat s’est engagé fortement pour obtenir des régularisations de travail. Reste à définir l’avenir de cette lutte

Pourquoi la CGT s’est-elle investie dans la régularisation des travailleurs sans papiers ? Elle se prononçait, lors de son dernier congrès, pour la régularisation de tous les sans-papiers, et son soutien n’est donc pas une surprise. Mais l’action de cette année 2008 est originale. Francine Blanche, secrétaire confédérale, revient sur les principes : « Les travailleurs sans papiers sont l’expression physique de la mondialisation. Les employeurs délocalisent leur entreprise pour trouver une main-d’œuvre moins chère et ceux qui ne peuvent pas délocaliser utilisent des salariés "modèles" : qui acceptent tout, avec des salaires en dessous du Code du travail, jamais malades, sans une revendication, jusqu’à ce qu’ils décident de se mettre en grève. »

Les premières luttes pour la régularisation des salariés ont commencé à l’union locale CGT de Massy (91) avec Jeanne Davy, puis Raymond Chauveau, pour Modelux et Buffalo Grill, en 2007 (avec Droit Devant ! ! qui travaillait depuis longtemps sur la dimension salariale des sans-papiers). « Dans ces deux entreprises, explique Raymond Chauveau, nous avons pu vérifier que les outils syndicaux comme la grève étaient des angles d’attaque efficients pour poser le problème à l’entreprise, en situant les responsabilités de l’employeur et de la préfecture. » En novembre 2007, est voté l’article 40 de la loi CESEDA qui, complété par la circulaire Coudert du 7 janvier 2008, va ouvrir une fenêtre à une régularisation dans certains métiers « sous tension », tout en interdisant tout regroupement familial.

« De nombreux travailleurs sans papiers, embauchés dans une même entreprise, sont venus frapper à la porte de nos permanences, poursuit Raymond Chauveau. Nous avons démarré avec l’occupation de la Grande-Armée, en février. C’est la préfecture de police qui a choisi de régulariser sur la base de la circulaire du 7 janvier. Devions-nous laisser le patronat faire comme il l’entendait ou prenions-nous les choses en main ? » La question a fait débat. Le syndicat a même été accusé de ne plus se battre pour la régularisation de tous les sans-papiers, de faire le jeu de la politique d’immigration choisie et d’aller jusqu’à monter lui-même les dossiers. « En négociant nous-mêmes, nous avons évité d’avoir des contrats qui perpétuaient les rapports de subordination, précise Raymond Chauveau. Des travailleurs intérimaires ont été embauchés en CDI, nous avons obtenu des contrats en rapport avec une convention collective, des requalifications de postes, de salaires, avec la règle de l’antériorité. »

Le mouvement de grève a pris de l’ampleur en avril. Le ministère reçoit alors très vite le syndicat, comme s’il sentait la dynamique sous-jacente et la craignait. On parle d’un millier de régularisations possibles. Des centaines de sans-papiers s’installent à la Bourse du travail, le 2 mai, rappelant que sans-papiers isolés et travailleurs au noir devraient aussi être régularisés.
L’initiative sera très mal reçue, à tel point que le conflit perdure encore actuellement.

Aujourd’hui, il n’y aura pas de troisième vague, même si une dizaine de départements sont en mouvement, comme les Alpes-Maritimes, l’Isère, la Loire-Atlantique, le Loiret… L’avenir ? « C’est de consolider, d’abord, les droits acquis pour tous les salariés qui ont cinq ans de présence et un an de contrat de travail, avec un employeur qui accepte de remplir les formulaires. Nous sommes passés à une nouvelle étape, précise Francine Blanche. Il s’agit aussi de faire prendre conscience que défendre les droits des plus fragiles, c’est faire progresser les droits de tous. Nous ne pouvons accepter des salariés sans droits. La régularisation, c’est le moyen de récupérer ses droits de salariés. Nous devons voir maintenant avec les régularisés, avec tous les précaires, comment on construit de meilleures conditions de vie pour tous. »

Source L'Humanité

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